Moderateur - 27/06/2022 à 13h57

Mise en garde des lecteurs : si vous faites une recherche sur Internet vous découvrirez que le vocabulaire employé ci-dessus par Fred46 appartient à un registre qui vous conduit vers un véritable marché lucratif qui s’adresse aux personnes vulnérables. Régulièrement nous refusons ici des contributions faisant de la publicité pour des désenvouteurs ou autrement dit des « marabouts ». Nous vous recommandons la plus grande prudence avec ceci.

Bonjour Fred46,

Je dois vous dire que j’ai beaucoup hésité avant de valider votre contribution, qui est pour le moins inhabituelle. Je l’ai cependant fait sur la foi (sans mauvais jeu de mot) de votre supposée bonne foi quant à ce que vous dites. Je me dois maintenant de préciser que Joueurs info service donne accès à votre parole mais ne la cautionne pas sur le fond. Elle comprend des éléments intéressants que je vais expliquer maintenant, sur un plan bien plus rationnel que le vôtre.

« Crois-moi tu peux tout à fait t’en sortir seul, car tu as toutes les ressources en toi ». Il est vrai que c’est avant tout la personne qui joue qui doit prendre la décision d’arrêter de jouer et de s’en sortir. Il est vrai aussi qu’elle devra puiser dans ses ressources. Il est vrai enfin qu’elle essaiera d’abord d’arrêter seule avant de demander de l’aide. Cependant il ne faut pas discréditer l’aide que peut recevoir une personne et qui peut faire toute la différence pour que la personne arrive effectivement à arrêter de jouer durablement. Etre seul pour arrêter ce n’est bien souvent pas suffisant : les proches et les professionnels apportent une énergie et renforcent les ressources sur lesquelles peut s’appuyer le joueur pour s’en sortir.

Ceci dit vous le dite aussi ensuite : « Le traitement médicamenteux, l'action physique (auto exclusion ...), le suivi psychothérapeutique sont nécessaires mais pas suffisants… ». Mais vous complétez par votre interprétation de la situation : « …pour contrer l'action magique d'envoûtement. »

C’est là évidemment que nous ne sommes plus d’accord sur les termes à accoler à ce qui se passe. Vous dites « la première clé à intégrer est d’accepter d’être l’objet d’un envoutement » : non, Fred46, il ne s’agit pas d’un envoutement mais d’une ADDICTION. L’addiction est là quand on a perdu la liberté de s’abstenir de jouer. Cette perte de liberté est le reflet d’une perte du contrôle conscient sur le jeu (on ne peut pas s’empêcher de jouer, on continue malgré les effets négatifs) parce qu’une autre partie de votre cerveau a appris à trouver dans le jeu une réponse immédiate à une frustration, un stress ou une émotion négative.

Mais je comprends tout à fait que vous puissiez appeler cela « envoûtement » parce que finalement c’est une manière d’expliquer que l’on ne peut pas s’empêcher de faire des choses contre son gré et ses intérêts. Comme si on vous avait jeté un sors, sauf que ce n’est pas de cela dont il s’agit. Plus trivialement il y a emprise du jeu sur votre vie et c’est dû à un certain fonctionnement, acquis par apprentissage, de votre cerveau. Cette emprise peut être alimentée par des facteurs extérieurs (mécanismes mis en place par les opérateurs de jeu, publicités, entretien de l’espoir de gagner, jouer pour se refaire, etc.).

« La connaissance et la compréhension des processus intervenant dans le phénomène d'envoutement participera à ta libération ». Si vous remplacez le terme « envoutement » par addiction nous sommes tout à fait d’accord. Se renseigner sur son addiction est un bon moyen de commencer à la décrypter et à s’en saisir. Cela donne des clés pour déjouer les pièges de cette addiction et savoir quelles ressources mobiliser pour vous en sortir.

Je passe sur l’explication assez cryptique que vous donnez ensuite. Elle vous appartient. Ce que je souligne c’est que vous avez raison sur le fait que l’addiction – et non l’envoûtement – finit par absorber énormément de l’énergie du joueur : pensées obsessionnelles pour le jeu même quand on ne joue pas, sentiment de honte, énergie passée à cacher à ses proches ce que l’on fait et l’ampleur du désastre, énergie dépensée à essayer de se contrôler, etc.

« Quel que soit les remèdes utilisés, l'envoûtement travaille toujours en arrière-plan comme un programme malicieux (sorte de virus ou malware), ce qui explique les rechutes si nombreuses ». Oui l’addiction – et non l’envoûtement - pourrait être décrite effectivement aussi comme un programme malicieux qui fonctionne en arrière-plan de votre volonté et qu’il s’agit d’apprendre à déjouer.

Vous proposez ensuite un « protocole de désenvoutement » qui finalement ressemble tout à fait aux étapes par lesquelles il faut passer pour se sortir d’une addiction :
1. Prendre conscience de son addiction et essayer de la comprendre en s’informant
2. Décider de s’en sortir et faire la liste des bonnes raisons que l’on de sortir du jeu, établir sa motivation (sortir du jeu pourquoi, dans quels buts ?)
3. Se couper du jeu en coupant tous les accès et stimuli liés au jeu : clôturer ses comptes, se faire interdire de jeu, empêcher les mails et notifications de vous parvenir, etc.
4. Se faire aider régulièrement par des professionnels des addictions, trouver du soutien auprès de ses proches, sur les forums et travailler pour se libérer du jeu

Enfin je voudrais revenir sur une petite parenthèse que vous faites et qui est intéressante : « il faut pour cela avoir un minimum de FOI en quelque chose de supérieur sinon cela ne fonctionnera pas ». Oui, il faut d’abord avoir foi en soi, en sa capacité à y arriver malgré les obstacles. Ce n’est pas facile et ce n’est pas forcément donné à tout le monde. Avoir foi en quelque chose de « supérieur » pour vous aider peut alors vous donner ce petit supplément de « magie » (dans le sens de quelque chose qui se passe mais que l’on n’explique pas forcément) qui fait que vous y arrivez quand même. « Avoir foi » ce n’est rien d’autre que d’accepter de vous en remettre à quelqu’un ou quelque chose pour vous aider. Mais ce quelque chose n’est pas forcément « supérieur », ni magique ou religieux, loin de là. On peut le retrouver dans la participation à une communauté bienveillante sur un forum comme celui-ci, dans des groupes d’entraide tels que ceux de Joueurs anonymes, dans une relation thérapeutique avec un professionnel dans lequel on a confiance, dans une relation familiale, amoureuse ou amicale, etc. Il s’agit avant tout de s’en remettre à quelqu’un ou quelque chose d’autre qui permet de porter ce que vous ne pouvez pas porter seul. Avec patience, avec bienveillance se nouent alors les liens qui vous permettent de vous hisser hors de votre condition de joueur souffrant d’une addiction. Oui c’est quelque part « magique » et je vous remercie, Fred46, de nous donner l’occasion d’en parler car ce n’est pas si souvent.

Pour conclure, Fred46, vous nous avez finalement proposé votre interprétation personnelle de l’addiction. Si cette voie a fonctionné pour vous nous en sommes heureux. Vous voudrez bien excuser notre rationalisme qui nous a conduit à cette réponse. Nous respectons votre vision mais nous mettons aussi très clairement en garde chacun sur l’existence d’un marché de l’irrationnel qui vise les joueurs en difficulté et qui n’est peut-être qu’une autre forme d’emprise… contre espèces sonnantes et trébuchantes.

Cordialement,

Le modérateur.